LETTRE DE LIAISON


des militants combattant
pour le FRONT UNIQUE
des syndicats de l'enseignement public


 

Lettre de liaison N° 277 - 28 janvier2018     [Version pdf]

Le rapport Mathiot, remis au gouvernement : liquidation du bac comme diplôme national, baisse massive des heures de cours, nouvelle attaque contre le statut avec en particulier l'annualisation!

 

Blanquer en recevant le rapport a annoncé une concertation, tout en indiquant (France Inter, 28/01) qu’il en reprenait les conclusions.

 

Il faut imposer aux directions syndicales et d'abord à celle du SNES

qu'elles rejettent clairement le rapport

et refusent de participer à la concertation visant à les associer à la contre-réforme !

 

Liquider le bac comme examen national, pour compléter le projet de loi Vidal.

Mathiot a rendu le 24 janvier, le rapport que le gouvernement lui a commandé sur le bac et le lycée. Il y fait un ensemble de recommandations, préparées par le cahier des charges, suivant l’exigence de Macron : liquider le bac. C’est bien dans la perspective de barrer l’accès à l’enseignement supérieur aux élèves issus des milieux les moins favorisés que le rapport a été préparé. Il vise à rompre le cadre national de l’examen. En effet, il introduit 40 % de la note finale à des évaluations faites dans les établissements eux-mêmes. Quelle que soit la forme de cette évaluation locale, la concurrence entre établissements ne pourrait qu’être renforcée. Pour avoir une chance d’accéder au supérieur, à travers parcoursup, il vaudra mieux avoir passé le « bac » dans certains établissements que dans d’autres.

A côté de cela, 60 % de la note correspondrait aux quatre épreuves, plus le bac de français anticipé. Deux épreuves dites majeures, seraient passées et corrigées suffisamment tôt dans l’année, pour être intégrées à parcoursup. Deux autres épreuves se passeraient en juin, la philosophie, et le "grand oral" " pluridisciplinaire". Cette épreuve n'a rien à voir avec l'évaluation d'acquisitions de connaissance. Elle a un caractère largement idéologique (il était question de l'affubler de l'adjectif "républicain" !), et il est prévu d'introduire dans le jury une "personnalité" extérieure (patron ? représentant d'association cléricale ? etc.). Le rapport prévoit d’ajouter encore au bac lui-même une sorte de « supplément au diplôme » ou « portefeuille de compétences et d’expérience », toujours pour s’adapter aux attendus des établissements du supérieur. Enfin la suppression des épreuves de l’oral de rattrapage, au profit de l’examen approfondi du livret scolaire renforce le caractère local du diplôme.

On le voit, un poids considérable est donné au local, faisant éclater le cadre national du diplôme, et dans la perspective avouée où celui-ci ne permet plus d’accéder réellement à l’enseignement supérieur, mais au contraire dans le sens où il faut passer à travers la moulinette de la sélection de parcoursup et des attendus universitaires.

L’organisation modulaire, un coin pour supprimer heures, postes, et accentuer l’autonomie des établissements.

La commission Mathiot, ne se limite pas à la question du bac, mais fait ses propositions pour une nouvelle contre-réforme du lycée. La modularité étant l’axe principal, c’est une machine à supprimer des heures d’enseignement. Ainsi en seconde, le volume maximal est fixé à 25 heures au premier semestre, pour les matières de l’Unité Générale (UG), français, anglais, hist géo, lv2, ses, maths, sciences (pc et Svt), EPS. Le volume correspond au tronc commun actuel, mais il faut y ajouter les SES. Au second semestre, l’unité générale ne représente plus que 19 heures, sciences et SES en disparaissant, et les élèves doivent choisir deux majeures pour 7 heures dans l’Unité d’Approfondissement et de Complément (UAC). Une option reste possible. En première et terminale, le total des heures ne dépassera pas 27 heures (en dehors des options), pour 29 à minima actuellement. Le rapport étant le suivant, 15 heures en UG, et 12 heures en UAC pour la première. En Terminale c’est l’inverse, 15 heures en UAC, et 12 heures en UG. Il faut ajouter à cela, que les UAC, composées de 10 couples de matières dites majeures peuvent être choisies et changées dans le cursus d’un semestre à l’autre. Les établissements sont aussi incités par le rapport à être inventifs pour faire des propositions locales, pour associer des matières qui ne le sont pas.

On le voit, M. Mathiot et sa commission ne sont pas avares de propositions, avec des conséquences importantes, sur les groupes classes, sur les parcours, le profilage des élèves, l’organisation administrative de l’année, le fonctionnement dans le cadre de la concurrence entre les établissements : le rapport l’indique, pour une bonne application, une autonomie accrue des établissements est nécessaire. Le rapport inclut d'ailleurs la nécessité de donner un "vrai" rôle au Conseil pédagogique, en évoquant son ouverture aux parents d'élèves qui deviendraient donc donneurs d'ordre au moment où le contrôle continu exposera les profs aux pressions et harcèlements de toute sorte !

Une brutale attaque contre le statut des enseignants et en particulier l'annualisation des services

Semestrialisation, UAC, UG, les propositions de Mathiot ont des conséquences sur le statut des enseignants. L'organisation semestrielle des enseignements implique forcément l'annualisation. L'annualisation, c'est à la fois une surcharge horaire considérable pour les enseignants, mais également une diminution nette des salaires pour la grande majorité d'entre eux du fait de la disparition de fait des heures supplémentaires ! Mathiot propose des services variables définis par des fourchettes (13 à 17 heures, 16 à 20 heures), ou un décompte annuel des heures de cours à fournir.

En tout état de cause, le renforcement de l’autonomie des établissements est souhaité, notamment pour permettre l’organisation des examens semestriels, dont les conseils pédagogiques seraient les arbitres, ou force de proposition pour les UAC et les unités d’accompagnement (heures dédiées à l’orientation). C’est donc bien le rôle du chef d’établissement qui est renforcé sur le travail des enseignants. Ces propositions sont donc parfaitement compatibles avec les rappels répétés de Blanquer au recrutement local des enseignants.

Suppression d’heures d’enseignement, annualisation des services, le rapport Mathiot s’inscrit à sa manière dans les objectifs de suppression de postes de fonctionnaires fixés par Macron pour le quinquennat.

Face à un tel rapport, quelle issue ?

La contre-réforme du lycée préparée par le rapport Mathiot est inséparable de l'ensemble de l'offensive gouvernementale contre le droit de la jeunesse à l'instruction et à la culture. D'un côté la loi Vidal vise via les "prérequis" à interdire l'accès à la poursuite d'études à des dizaines de milliers de lycéens. De l'autre la "réforme de l'apprentissage" met sous la coupe exclusive des patrons l'ensemble de la formation professionnelle. Aux diplômes nationaux reconnus dans les conventions collectives, il s'agit de substituer des certificats de compétences vérifiant l'"employabilité" des jeunes sur le marché local du travail. C'est la voie à l'exploitation sans frein de toute cette fraction de la jeunesse interdite de poursuite d'études.

Combattre pour le retrait du projet de contre-réforme du lycée, c'est donc à la fois défendre notre métier, notre statut, et en même temps le droit de la jeunesse à l'instruction, à la culture, à l'acquisition de diplômes nationaux et reconnus.

La première condition est d'obtenir de toutes les directions syndicales, en premier lieu de celle du SNES qu'elle rejette le rapport Mathiot dans sa totalité. Tel n'est pas le cas à ce jour. Après avoir pourtant déclaré, il y a quelques jours que le rapport était « inacceptable », la direction du Snes n’a pas exigé son retrait.

La seconde condition est d’obtenir que l’ensemble des directions syndicales rompent la concertation qui ne vise qu’à associer les syndicats à la contre-réforme en désarmant les collègues. La direction du Snes semble s’apprêter tout en maugréant sur le cadre contraint du dialogue social, à entrer dans les discussions qui doivent permettre au gouvernement de faire ratifier ses choix dès le 14 février. Blanquer a indiqué sur France Inter (28/01) le cadre et le résultat de la concertation : "Ce qui est certain c'est que l'ossature est de quatre épreuves terminales et le reste en contrôle continu". La fonction assignée à la concertation est donc sans fard de réaliser le programme du gouvernement.

Dans les assemblées générales qui se tiennent dans les établissements, par le biais d’adresses aux dirigeants contresignés massivement, par tous les moyens appropriés, nous invitons les collègues à faire valoir cette position.

C’est aujourd’hui le meilleur moyen de préparer la mobilisation de toute la profession dans l’unité avec les jeunes et les parents d’élèves pour mettre en échec le gouvernement. Dresser la profession dans l’unité pour le rejet de la contre-réforme, Cela ne peut consister à multiplier les journées d’actions disloquées (appel de FO le 1er février, appel du SNES le 6 février pour "peser sur les discussions", etc.)




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