LETTRE DE LIAISON


des militants combattant
pour le FRONT UNIQUE
des syndicats de l'enseignement public


 

Lettre de liaison N° 263 - 22 septembre 2016   [Version pdf] 

Le projet de réforme de l'évaluation des enseignants vise à parachever l'entreprise de liquidation du statut des enseignants pour permettre l'application des contre-réformes.

Il faut imposer aux directions syndicales

(Syndicats enseignants de la FSU, de FO, de la CGT)

-  qu'elles se prononcent pour le retrait du projet d'évaluation

- qu'elles cessent de participer aux groupes de travail avec le ministère qui depuis des mois participent à cette entreprise de liquidation du statut.

 

"Réforme des rythmes scolaires", réforme du collège... avant la réforme du lycée : pour que ces contre réformes s'appliquent, le gouvernement doit parachever la liquidation du statut des enseignants

La réforme des rythmes scolaires place les professeurs d'école sous la  tutelle des collectivités locales en donnant à ceux-ci un pouvoir sur l'organisation des emplois du temps et sur le contenu de l'enseignement via les projets pédagogiques territoriaux.

La  réforme du collège  impose aux enseignants des services à rallonge, des réunions de toutes sortes, dénature leur métier, c'est-à-dire l'enseignement disciplinaire, amputé voire, dans certaines matières, massacré. Il donne un pouvoir pédagogique aux chefs d'établissement.  Hollande annonce maintenant une réforme des lycées similaire.

Le décret de 2014 dans le secondaire, promulgué par le ministre Hamon, visait à rendre possible cette tutelle des chefs d'établissements, et les services à rallonge jusqu'à hauteur de 1607 heures annuelles . Avant 2014, la définition du service comme service hebdomadaire d'enseignement par les décrets de 1950 constituait un point d'appui de première importance pour les enseignants contre les tentatives d'empiètement arbitraires  de la hiérarchie. Le décret de 2014, pris avec le plein soutien de la direction du SNES, a fait sauter ce point d'appui.

 

Projet de réforme de l'évaluation : dans le cadre des accords "PPCR"

Toutefois, le décret de 2014 du point de vue du gouvernement comprend une insuffisance. Tant que le chef d'établissement n'a pas la main sur l'évolution de carrière des enseignants, ceux-ci conservent une certaine possibilité de résister à l'arbitraire. C'est pourquoi, aujourd'hui,  le gouvernement veut "compléter" le décret de 2014, notamment par une réforme de l'évaluation. Il faut remarquer que cette réforme de l'évaluation se fait dans le cadre du coup de force gouvernemental par lequel, violant ses propres règles, il a imposé l'accord "PPCR" ("Parcours professionnels, Carrières et rémunérations") malgré le rejet des organisations syndicales représentant la majorité des personnels.

 

A propos des augmentations de salaires

La "carotte" que promet le gouvernement afin de faire passer son projet, c'est qu'il contient des augmentations de salaire.  Il faut dire à ce propos plusieurs choses :

- Le “dégel” du point d’indice, de 0.6 % en juillet est passé largement inaperçu, et même en l’additionnant avec l’augmentation de 0.6 % en janvier 2017, est bien loin de compenser les pertes salariales depuis 2010.

- Ces prétendues augmentations sont, quand on y regarde de près, sinon inexistantes, du moins largement illusoires. Une partie des points d’indice gagné, provient du transfert de primes déjà existantes dans le salaire de base : en terme d’augmentation du salaire réel, c’est un jeu à somme nulle. D’autre part, le rythme unique de progression de carrière fait qu’il faudra 26 ans pour accéder au 11ème échelon, 24 ans au rythme le plus favorable, quand il en fallait 20 en passant toujours au grand choix dans l'ancien système.

- On répète à l'envie que le nouveau système permettra à tout le monde d'accéder au dernier échelon de la hors classe. Pour un collègue commençant à enseigner à 27 ans, l'accès à ce dernier échelon interviendrait.... à 68 ans! Les salaires vraiment revalorisés, offrant une augmentation substantielle de revenus se concentrent sur la classe exceptionnelle, qui porte bien son nom, l’accès à ces salaires sera tout à fait exceptionnel.

On est donc loin d’une augmentation réelle des salaires ; en ajoutant que les cotisations de retraite augmentent chaque année, elle ne se verra même pas sur la feuille de paye.

- Mais surtout, la plus grande part des augmentations de salaire interviendra.... après les présidentielles de 2017 ! Or chacun sait que nombre de candidats, en particulier les candidats LR, promettent... des réductions massives du budget de la Fonction Publique!

A la pseudo "revalorisation" les dirigeants syndicaux doivent opposer : augmentation du point d'indice! Augmentation du nombre de points d'indice à tous les échelons afin de rattraper la perte de pouvoir d'achat!

 

Accélérations de carrière et salaire au mérite

Le nouveau système prévoit quatre rendez-vous de carrière permettant l'accélération de carrière pour 30% des collègues. La ministre a clairement indiqué qu'il s'agissait d'instaurer le "salaire au mérite" : “Nous valoriserons mieux les enseignants qui s’engagent le plus". La formule est elliptique. Mais comme on le verra ci-dessous, c'est à la mise en œuvre des réformes que "l'engagement" sera mesuré.

 

Liquidation des garanties existantes

Le 30 Mai, Vallaud-Belkacem présentait ainsi l'objectif de la réforme : "Je veux qu’on passe d’une gestion technocratique à une véritable gestion des ressources humaines”

La référence au fonctionnement des entreprises privées est transparente !

Les  enseignants étaient jusqu'alors jugés  d'une part sur leur pédagogie par l'Inspection, d'autre part sur  leur respect des obligations de service au plan administratif par les chefs d'établissement dans le secondaire. Ces appréciations donnaient lieu à des notes chiffrées dans le cadre d'un barème permettant une éventuelle contestation devant les instances paritaires ou, s'agissant de la note pédagogique, autorisant un recours, via la demande d'une contre inspection par exemple. L'argument distillé par les dirigeants syndicaux, notamment du SNES, selon lequel le système n'était pas "parfait" est stupéfiant. Évidemment, rien n'interdisait à ces mêmes dirigeants d'exiger une amélioration, une plus grande égalité de traitement des collègues, par exemple au niveau de la périodicité des inspections. Mais arguer de "l'imperfection" du système actuel pour s'engager dans la discussion de la liquidation des garanties existantes est inacceptable.

Car c'est bien de cela qu'il s'agit.   Au système actuel d'évaluation, le projet gouvernemental substitue onze critères d'évaluation dont seul le premier  porte sur la pédagogie et s'agissant du secondaire de la pédagogie de la discipline : "maîtriser les savoirs disciplinaires et leur didactique".

 

Le professeur sera jugé sur tout.... sauf sur son aptitude à enseigner

Certains des onze critères de "compétences" sur la base desquels les enseignants vont être jugés, non seulement laissent place à l'arbitraire et à la subjectivité, mais visent en fait à promouvoir les conduites les plus serviles, à favoriser la carrière des serviteurs les plus zélés des contre réformes

Quelques exemples :

"Coopérer au sein d'une équipe ": Haro sur le collègue qui  ne sera pas disponible à tout moment pour la myriade de réunions convoquées par le chef d'établissement ( de niveau, pluridisciplinaire, école/collège,  réunion de " projet pédagogique " avec les élus locaux, etc.)

" Coopérer avec les parents d'élèves ". Il s'agit d'autre chose que de rendre compte auprès des parents des résultats de l'élève, de ses difficultés éventuelles. Il s'agit – comme c'est contenu dans la réforme du collège – de considérer que les parents sont co-élaborateurs des projets pédagogiques et donc ont un droit de regard sur la pédagogie. Quid du collègue qui par exemple résistera – dans le cadre du contrôle continu – à la pression du parent pour l'augmentation de la note de l'élève ?

" Contribuer à l'action de la communauté éducative et coopérer avec les partenaires de l'école /  établissement ". On comprend bien que celui qui participe au "conseil pédagogique" sera jugé plus méritant que celui qui n'y participe pas, par exemple parce qu'il ne veut pas avoir pour rôle d'imposer la réforme à ses collègues. On comprend bien que celui qui juge que ce n'est pas au patronat local de définir le contenu de l'enseignement de l'économie par exemple sera jugé moins "coopératif" qu'un autre.  Cette "compétence" devrait porter un autre nom : elle devrait s'appeler servilité

"Agir en éducateur responsable et selon des règles éthiques". Désormais donc, il y a une "éthique" officielle  à laquelle chacun est tenu de se conformer. Nul doute que la promotion des "valeurs" au nom desquelles Valls désigne à l'action de la police  les femmes d'origine immigrée voilées dans la rue, au nom desquelles doit être vantée l'action "civilisatrice" des bombes déversées sur les populations civiles en Irak et en Syrie fasse partie de cette  "éthique". Dans le passé, au nom de "l'éthique", Jules Ferry invitait les enseignants à rappeler aux enfants "la ligne bleue des Vosges" et plus récemment Pétain  leur faisait chanter : "Maréchal, nous voilà !". Cette "compétence" devrait porter un autre nom : formatage idéologique des enseignants !

Le "document d'appui au rendez-vous de carrière"

Par ailleurs, l'enseignant est invité périodiquement à rédiger le "bilan de sa propre activité" pour la hiérarchie.  Cela signifie quoi au juste ? Se comporter en VRP de sa propre activité d'enseignant ? Refaire périodiquement allégeance aux contre réformes gouvernementales ? Mâtiner la promotion de son activité de quelques "actes de contrition" pour ne pas avoir l'air d'en faire trop ? Dans tous les cas, le rôle qu'on veut faire jouer aux enseignants est inacceptable.

Le "grade exceptionnel"

La mise en place du "grade exceptionnel" (pour 10% des collègues) est d'une extrême gravité. Car il s'agit d'un grade fonctionnel, c'est à dire l'accomplissement de certaines tâches particulières. Beaucoup de ces tâches consistent à faire prendre en charge par les collègues les contre réformes gouvernementales. Le "grade exceptionnel" vise à établir une hiérarchie entre collègues, à donner à certains un pouvoir de décision sur les autres. C'est le "management" des enseignants tel qu'il existe dans certains pays - notamment anglo-saxons - et aussi dans les établissements privés où des responsables de département ou de niveau déterminent l'emploi du temps de leurs collègues, les convoquent à des réunions et même ont le pouvoir de les réemployer ou de les licencier !

 

Tout le pouvoir aux chefs d'établissement !

Le fonds de l'affaire, c'est bien sûr de placer les enseignants sous la tutelle étroite des chefs d'établissement dans le second degré, des DASEN dans le premier degré. C'est ce qu'indique  assez clairement la revue Acteurs publics pour le second degré:

" Il reviendrait ainsi au principal de collège ou au proviseur de lycée de juger du niveau de “coopération au sein d’une équipe” et de la “contribution à l’action de la communauté éducative” de chaque enseignant. Mais aussi de juger de son action “en éducateur responsable et selon des principes éthiques”… "

Il faut imposer aux dirigeants syndicaux de se prononcer pour le retrait du projet gouvernemental et de rompre leur participation aux " groupes de travail visant à le mettre en place

Depuis juin, tous les dirigeants syndicaux participent aux groupes de travail sur ce projet d'évaluation. Cela vaut y compris pour FO dont le syndicat enseignant se prononce contre le projet (mais dont il faut rappeler  que le  syndicat des personnels de direction réclame pour le chef d'établissement le plein pouvoir pédagogique).

La responsabilité des dirigeants du SNES et du SNUIPP, syndicats majoritaires est centrale.

Ceux du SNUIPP "consultent" la base pour une "bonne" contribution à la réforme. Ceux du SNES commencent par faire feu contre l'actuel système : "Le système actuel d’évaluation des personnels d’enseignement d’éducation et d’orientation est insatisfaisant et inadapté, relevant davantage du jugement que du conseil.". On connaît la chanson puisqu'elle nous a déjà été chantée pour justifier le refus de défendre les décrets de 50. Ils n'étaient pas "parfaits"... moyennant quoi la direction du SNES a soutenu le nouveau décret sur la base des 1607 heures annuelles !

Le même scénario est en route : "Les objectifs et les principes fixés vont, pour une partie d’entre eux, dans le bon sens. Ainsi permettre un accompagnement de tous les personnels qui le souhaitent, permettre un accompagnement des équipes qui souhaiteraient mettre en place des projets ou améliorer leurs pratiques collectives sont des ouvertures positives."

Après ce satisfecit donné au ministère, la direction du SNES peut faire quelques critiques de détail du projet du ministre qui justifient que l'on rentre dans le "dialogue" pour une bonne réforme.

Le maintien d'une telle position ne peut conduire les enseignants qu'à une nouvelle catastrophe après la " réforme des rythmes " dans le premier cycle et la liquidation des décrets de 50 suivie de la réforme des collèges dans le secondaire.

Il faut donc imposer aux dirigeants syndicaux (notamment SNES, SNUIPP, FO, CGT)

 - qu'ils se prononcent  pour le retrait du projet ministériel de réforme de l'évaluation

 - qu'ils quittent les groupes de travail visant à l'instaurer

 C'est le sens de l'appel de la majorité absolue des enseignants du collège de Tavan (84) qui se sont adressés aux directions syndicales dans les termes suivants :

Les enseignants soussignés ont pris connaissance du projet de réforme de l'évaluation des enseignants, qui s'inscrit dans le cadre de l'accord PPCR  Parcours Professionnels, Carrières et Rémunérations) imposé par le gouvernement malgré la non-signature de la majorité des organisations syndicales.

Ils constatent que ce projet de réforme tel que le révèle le périodique "Acteurs publics" livre les enseignants au pouvoir discrétionnaire des chefs d'établissement, substituant à l'appréciation  de la qualité de l'enseignement disciplinaire et au respect des obligations de service (notation pédagogique et administrative) un jugement  arbitraire visant à apprécier les enseignants selon leur degré de soumission aux injonctions ministérielles et leur conformité à une "éthique" officielle :

“Nous valoriserons mieux les enseignants qui s’engagent le plus. Je veux qu’on passe d’une gestion technocratique à une véritable "gestion des ressources humaines”, avait prévenu la ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, en présentant les grandes lignes de sa réforme, le 30 mai.

Il reviendrait ainsi au principal de collège ou au proviseur de lycée de juger du niveau de “coopération au sein d’une équipe” et de la “contribution à l’action de la communauté éducative” de chaque enseignant. Mais aussi de juger de son action “en éducateur responsable et selon des principes éthiques” (Extrait d' Acteurs publics du 26 août, citant lui-même une note de la ministre aux recteurs du 23 août) Ils constatent que depuis des mois et sur ces bases une concertation a lieu entre le ministère et les représentants des organisations syndicales

Ils s'adressent aux dirigeants des organisations syndicales concernées (syndicats enseignants de la FSU – SNES, SNUIPP, SNEP, SNUEP – syndicats  FO de l'enseignement , CGT, SUD) pour :

- qu'ils prennent immédiatement position pour le retrait de ce projet de réforme de l'évaluation

- qu'ils se retirent sans délai des groupes de travail visant à son élaboration définitive

 

Nous invitons les collègues à multiplier les initiatives sur ce même objectif.


 



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