LETTRE DE LIAISON


des militants combattant
pour le FRONT UNIQUE
des syndicats de l'enseignement public


 

Lettre de liaison N° 257 - 28 janvier 2016   [Version pdf] 

 

Les délégués du courant Front Unique

aux délégués du congrès national de la FSU du Mans

 

Camarades,

Notre congrès national s'ouvre quelques jours avant l'ouverture de la discussion à l'Assemblée Nationale sur la réforme constitutionnelle, l'adoption d'une loi qui renforcerait considérablement les pouvoirs de la police et sur la prorogation de l'état d'urgence.

D'ores et déjà, Hollande a annoncé son intention de le reconduire au delà de février. Valls a déclaré que l’état d’urgence peut être prolongé sans limite « jusqu’à ce qu’on puisse, évidemment, en finir avec Daech ».

Le premier article du projet de réforme constitutionnalise l’état d’urgence.

L’exposé des motifs stipule que l’état d’urgence peut être décidé « soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’évènements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ».

C’est la lutte de classe du prolétariat qui est visée, par exemple en situation de grève générale ou de tout mouvement de classe de quelque importance.

Le second article institue la déchéance de nationalité, en fait pour les binationaux, y compris nés en France, condamnés « pour atteinte grave à la vie de la nation ». Alors que l’immense majorité des binationaux Français sont d'origine maghrébine, le gouvernement veut inscrire dans le marbre de la constitution le programme de Sarkozy et du Front National.

A ce projet de réforme constitutionnelle, s’ajoute un projet de loi pénale. Le gouvernement prévoit une batterie de mesures législatives qui visent à donner toute latitude à l'appareil policier : fouilles de véhicules et de bagages sans consentement ; vérification d'identité sans avoir à fournir de justification ; croisement des fichiers policiers et de celui de la Sécurité sociale ; présomption de légitime défense pour les policiers qui font usage de leurs armes ; possibilité de retenir pendant quatre heures quelqu’un au poste, y compris s’il a ses papiers ; possibilité d’assigner à résidence sur simple soupçon « d’activité dangereuse pour la sécurité de l’ordre public ».

De fait, il donne à l’appareil policier des pouvoirs qu’il n’avait pas en théorie sans que soit décrété l’état d’urgence. C’est l’état d’urgence en permanence, c’est la marche à l’Etat policier.

Le projet de loi de réforme constitutionnelle et celui de loi pénale doivent être rejetés en bloc !

Il constitue une offensive majeure contre le prolétariat et la jeunesse.

L’assassinat de Rémi Fraisse, totalement couvert par le gouvernement et son ministre Cazeneuve, et la répression contre les travailleurs d’Air France, étaient des signes annonciateurs de la politique répressive actuelle de ce gouvernement. La condamnation de huit anciens salariés de Goodyear à la prison ferme en est une confirmation. C’est incontestablement aux plus hauts sommets de l’Etat que la décision a été prise. Ce n’est pas simple coïncidence si ce verdict a été rendu sous le régime de l’état d’urgence.

Au moment où le gouvernement et les capitalistes lancent une offensive de grande ampleur contre le prolétariat, pour démanteler toutes ses conquêtes, contre la jeunesse, contre ses droits, il s’agit de les museler. La véritable cible de l’état d’urgence, c’est le prolétariat, son droit à l’organisation, à la manifestation, à la grève.

Des syndicats nationaux, des congrès départementaux de la FSU ou des conseils départementaux ont pris position pour la levée immédiate de l'état d'urgence, et contre l'adoption de la réforme constitutionnelle.

Sous des formes diverses, de nombreux congrès départementaux de la FSU ont pris cette position élémentaire de défense des libertés démocratiques et donc de la liberté d'agir de l'organisation syndicale elle-même qui consiste à exiger la levée immédiate de l'Etat d'urgence, et le rejet de la réforme constitutionnelle. Parmi les syndicats nationaux de la FSU, le SNPES-PJJ, le SNUITAM et le SNUIPP ont pris position pour la levée de l’état d’urgence, le SNAC, le SNESup et le SNCS se prononçant pour sa levée immédiate. Au contraire la direction de la FSU a soutenu l’état d’urgence lors d’une réunion entre Valls et les “partenaires sociaux” le 20 novembre. C’est ce qui ressort du compte rendu qu’elle a fait de son intervention dans cette réunion :

"Le recours à l'Etat d'urgence se justifie par le caractère exceptionnel de la situation que nous vivons. Il implique contrôle démocratique, respect de l'Etat de droit y compris pour éviter toute surenchère sécuritaire.

Les mesures qui en découlent doivent être connues de tous les salariés, expliquées pour être comprises."

Il s'agirait donc de faire de la pédagogie pour faire accepter aux travailleurs l’état d’urgence. Quant à l'exigence que cet état d'urgence se fasse dans le "respect de l'Etat de droit", elle est grotesque quand on sait que justement l'état d'urgence est la négation de l'Etat de droit.
Cette prise de position a été plusieurs fois confirmée depuis. Au BDFN du 30 novembre, la majorité de la direction de la FSU s’est opposée à une motion demandant la levée immédiate de l’état d’urgence (l’EE refusant de voter). Peu après, la FSU signataire de l'appel "Nous ne céderons pas" qui évitait soigneusement de demander la levée de l'Etat d'urgence, a refusé de signer l'appel suivant des mêmes organisations : "Sortir de l'Etat d'urgence" pour la raison que, perdu au milieu de mille autres considérations, cet appel évoque la levée de l'état d'urgence. Dans un communiqué de la FSU du 21 janvier titré “Etat d’urgence, en sortir !”, la participation au comité de suivi de l’état d’urgence auprès du ministère du travail, est pleinement assumée au nom de la “vigilance” qui y serait exercée. Les interdictions de manifester, perquisitions et assignations à résidence “font débat” et la mesure envisagée de déchéance de nationalité “interroge”... Et on est bien loin de l’exigence de levée immédiate de l’état d’urgence quand on lit : “
la FSU demande au gouvernement d'engager rapidement une sortie de l'état d'urgence”.

Où mène cette orientation de soumission au gouvernement Hollande-Valls-Macron ?

Ces prises de position s’inscrivent dans la soumission totale de la direction syndicale de la FSU au gouvernement. D’autres exemples : le soutien de facto à la "réforme des rythmes scolaires", pas en avant considérable vers la terrritorialisation de l'école primaire donc de la suppression du caractère national de celle-ci. Mais aussi le soutien à la liquidation des décrets de 1950, remplacés par ceux de 2014 dans le secondaire, dont le gouvernement et les recteurs ne manquent pas une occasion de rappeler qu'ils imposent aux profs les 1607 heures annuelles, donc la présence obligatoire y compris hors service aux "formations" à la réforme des collèges. Et encore le soutien à l'accord PPCR. C'est appuyé sur la direction de la FSU que Valls a réalisé le coup de force imposant cette attaque majeure contre le statut de la Fonction Publique et qui va permettre d'imposer la mobilité géographique et fonctionnelle à des milliers de fonctionnaires territoriaux sans compter la remise en cause des garanties en matière de déroulement de carrière pour toute une série de fonctionnaires (Fonction Publique Hospitalière par exemple).

L'orientation de soutien aux attaques contre les statuts dans le primaire et le secondaire a conduit à la rude défaite subie aux élections professionnelles des principaux syndicats de la FSU (le SNES et le SNUIPP). Et pourtant la même orientation continue à prévaloir et s'aggrave.

Pour la rupture avec le gouvernement Hollande-Valls-Macron

La défense des personnels, la défense de la FSU et de ses syndicats nationaux exigent au contraire que la FSU prenne position notamment :

- pour la défense des statuts : abrogation de la réforme des rythmes et des décrets de 2014

- pour la défense de l'enseignement public : retrait pur et simple de la réforme des collèges

- contre l'accord PPCR: boycott sans délai des groupes de travail qui le mettent en place

Une perspective immédiate : manifestation centrale à l'Assemblée Nationale contre la prorogation de l'état d'urgence et pour sa levée immédiate, contre la réforme constitutionnelle, contre la "loi police"

Notre congrès a aujourd’hui une immense responsabilité. Il doit affirmer clairement qu’il fera tout pour défendre les libertés démocratiques que le gouvernement veut anéantir. Or c'est à l'Assemblée Nationale, dans quelques jours, que les choses vont se décider. C'est donc à l'Assemblée Nationale qu'il faut manifester contre la réforme constitutionnelle, contre la prorogation de l’état d’urgence et pour sa levée immédiate, et contre la loi pénale.

Un appel de notre congrès dans ce sens aurait un formidable écho, accompagné de l'appel aux confédérations ouvrières et à l'UNEF pour organiser ensemble une telle manifestation. Telle est la proposition que les délégués du courant Front Unique feront à ce congrès.

Rappelons-nous que contre le coup d’Etat de De Gaulle en 1958, la FEN n’avait pas hésité à appeler à la grève générale.


 



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