LETTRE DE LIAISON


des militants combattant
pour le FRONT UNIQUE
des syndicats de l'enseignement public


 

Lettre de liaison N°244/CNRS - 13 mars 2015     [Version pdf] 

 

Commission Administrative du SNCS-FSU - 6 mars 2015 :

Le courant FU est intervenu face à l'offensive de destruction de la Recherche Publique et du statut des chercheurs …

L’objectif du projet de Contrat d’Objectifs, Etat-CNRS 2014-2018 : Dissoudre le CNRS dans les ComUEs et mettre les personnels au service du « transfert économique »

La responsabilité de la direction du SNCS et de tous les syndicats de la recherche publique est d’exiger son retrait pur et simple

L’Enseignement Supérieur et recherche (ESR) dans son ensemble, et le CNRS en particulier, n’échappe pas au feu roulant des attaques du gouvernement avec l’effet croisé de l’étranglement financier et de l’application de la loi Fioraso. La direction de notre syndicat le SNCS n’a eu de cesse de minimiser l’effet de cette loi sur les organismes publics de recherche, de masquer le fait qu’elle programmait leur dissolution dans une politique de site concrétisée par les ComUEs.  C’est pourtant ce qui est en train de se produire. 

Dans un discours en janvier 2015, Alain Fuchs, le PDG du CNRS, a été on ne peut plus clair : «Notre vrai particularisme, c’est d’avoir considéré séparément et depuis trop longtemps la formation et la recherche. Tout le travail qui est en cours vise à abolir cette séparation artificielle des deux faces d’une même médaille». Le président de la CPU, a alors renchéri en insistant sur le « continuum recherche, formation et valorisation » que « la création des Comue et les politiques de site doivent faciliter en permettant au CNRS et aux universités de progresser sur la gestion commune des unités de recherche et d’avoir un lieu où se parler, où mettre en commun leurs forces et leurs stratégies ».

Début janvier, la direction du CNRS a communiqué aux syndicats un projet de contrat d’objectifs, entre  l’Etat et le CNRS pour 2014-2018 qui devrait être soumis au conseil d’administration du CNRS le 16 mars.  Que prévoit ce projet ?

La dissolution du CNRS dans les ComUEs :

Le statut de chercheur à temps plein et des personnels IT en sursis.

Ce projet de contrat se situe résolument dans le cadre de la restructuration de l’ESR  autour des ComUEs de la loi Fioraso. Le CNRS doit se dissoudre dans la politique de site et renforcer « son ancrage territorial ». Il est évident qu’une telle restructuration passe par la disparition du statut de chercheur à temps plein, du statuts des personnels Ingénieurs techniciens du CNRS, pour aller vers la fusion des corps des universités et des EPST (Etablissement Public Scientifique et Technique) sous le signe de la mise en concurrence et de la baisse drastique de l'ensemble des recrutements et la généralisation de la précarité. Pour preuve, la mise en place d’un « agenda social » pour l’ESR avec à son ordre du jour la modification du statut des chercheurs des EPST cadrée par les objectifs de la loi Fioraso.

Mutualisation, mobilité pour gérer la misère financière de l’ESR

Le cadre est donné dès le départ : « la stabilisation des ressources et des modalités de financement [traduire par « l’étranglement financier de l’ESR »] « [est] une donnée essentielle pour les cinq années du présent contrat ». Il est  explicitement écrit que cela passera « par une baisse des effectifs permanents ». « Les marges de manœuvre » viendront «des financements nouveaux (notamment les appels à projet européens) » et « des gains accrus de gestion ». En clair il va falloir mutualiser à grande échelle. Le projet de contrat annonce d’ores et déjà le redéploiement des personnels IT des fonctions dites de supports dans les délégations régionales de l’Ile de France vers les ComUEs, les Idex de cette région. Les contractuels sont ouvertement considérés comme des « variables  d’ajustements ». Dans un contexte d’étranglement financier, les redéploiements inter-établissements de personnels, sous statuts différents, se feront avec un nivellement par le bas (embauches, carrières, promotions, médecine du travail, action sociale etc.).

L’utilisation du programme européen H2020

pour court-circuiter les organismes et les règles statutaires

Le leitmotiv de ce contrat est l’incitation à trouver des financements auprès de l’Europe dans le cadre du programme Horizon 2020, abondé à dessein par le gouvernement français.  Le financement de la recherche scientifique via des appels à projets, qui a débuté avec la création de l'ANR en 2005, suivie de celle de l'ERC en 2007, a été utilisé pour faire disparaitre le financement pérenne des laboratoires et a dramatiquement modifié leur fonctionnement. Il a entrainé l’explosion du nombre de précaires au CNRS, qui sont passés d’un millier en 2005 à dix fois plus aujourd’hui.

Le programme H2020 permet de cibler encore plus étroitement les financements vers des thématiques prétendument utiles  pour le « transfert économique » en imposant de plus en plus systématiquement la condition de partenariats industriels. Il lui permet aussi de s’affranchir encore plus résolument des règles de la fonction publique pour transformer les chercheurs en managers à l’image du système anglo-saxon. Ainsi l’attribution de ces contrats européens est essentiellement individuel, le lauréat négocie des compléments de salaires (10 à 15 000 euros par an), il décide du salaire de « ses » post docs et peut octroyer des primes à ses collaborateurs, etc. Le tout avec un contrôle serré du temps des chercheurs concernés (les « time-sheet ») et des moyens, pour éviter qu’ils soient utilisés à d’autres recherches ou à des actions collectives dans les laboratoires!

Transformer le  CNRS en agence de moyens au service du

«transfert vers le milieu économique»

L’axe central de ce projet de contrat est « le transfert vers le milieu économique ». En fait, pour ce gouvernement, qui affiche sans complexe sa soumission au patronat français,  il s’agit de forcer le CNRS à se transformer en agence de moyens au service des entreprises par la multiplication de contrats de services,  de subordonner,  les chercheurs, personnel IT et leur activité de recherche (plutôt ce qu’il en restera) aux exigences du profit capitaliste. Le gouvernement n’a aucun scrupule à faire passer la recherche médicale sous la tutelle des trusts pharmaceutiques, celle en agronomie sous celles des trusts l’agroalimentaires, l’énergie par les trusts pétroliers avec les conséquences qu’on peut imaginer sur la santé publique, l’environnement etc… . Déjà nombre de laboratoires, en chimie, en biologie … ne survivent que grâce aux subsides du privé ou aux contrats conditionnés par la participation d’entreprises privés.

Ainsi le gouvernement entend non seulement développer le partenariat avec les grands groupes industriels, créer des laboratoires public/privé, mais il veut aussi que « l’innovation » soit intégrée au « parcours professionnel » des chercheurs avec une formation au transfert dès le recrutement, puis 4 ans après, au passage CR1, une formation à la création d’entreprise, un quota de promotions sera réservé à ceux qui seront  « actifs dans le transfert et l’innovation ». 

La dénaturation des métiers de la recherche : les « Contrats d’Objectifs-Ressources »

La nouveauté de ce projet de contrat réside dans l’établissement de « Contrats d’Objectifs-Ressources (COR) »  basés sur 24 indicateurs appelés « objectifs mesurables ». Ce système pousse à l’extrême toutes les dérives actuelles qui entrainent une profonde dénaturation des métiers de la recherche.

Les indicateurs de l’année N-1 seront examinés au Conseil d’Administration de l’année N (en juin) afin de définir (à l’automne) l’attribution des moyens pour l’année N+1. Les  délégations régionales et les directions des laboratoires deviennent « les centres de pilotage » de la réalisation de ces objectifs et de l’élaboration de ces COR. Ils seront en première ligne pour faire pression sur les chercheurs et le personnel IT afin qu’ils réalisent les objectifs qui leur ont été fixés car tous leurs moyens en dépendront y compris les promotions, les recrutements, les primes … .

La liste de ces « objectifs mesurables » comprend la publimétrie, les brevets, les succès aux appels à projet européen, l’implication dans la politique de site, le montant des contrats facturés aux entreprises,  le nombre de création de laboratoires public/privé, de startups, celui de chercheurs passés dans le privé … .

Dans la logique de ce contrat d’objectif, ces indicateurs sont amenés à supplanter toute autre forme d’évaluation. L’HCRES pourra alors  pleinement jouer le gendarme de la politique gouvernementale qui lui a été dévolue par la loi Fioraso. Les instances nationales du CNRS, Comité national, Conseil scientifique, où siègent en majorité des représentants syndicaux, ne seront plus là que pour valider ces nouvelles règles et leur donner un vernis scientifique. Au-delà, ce mode d’évaluation purement quantitatif, pourra s’étendre aisément à l’évaluation des enseignants-chercheurs, qui est encore en suspens, et pourtant nécessaire à l’application du décret de modulation de leurs services.

Avec ce système de « contrats d’objectifs-ressources », il s’agit d’en finir avec  tout espace de liberté que les chercheurs parviennent encore à préserver pour maintenir une activité de recherche indépendante malgré toutes les contraintes qui leur sont imposées.

Ce Contrat d’objectif institutionnalise une compétition féroce à tous les niveaux (« l’excellence »). Ceux qui auront des bons résultats, une minorité, seront récompensés via des dispositifs de reconnaissance en termes de carrière, d’intéressement personnel, de fléchage de postes, de bourses doctorales, etc.  Les autres, les plus nombreux, devront se reconvertir, des labos devront fermer …  .

Retrait pur et simple du contrat d’objectifs

Le SNCS-FSU a déclaré qu’il demandait le retrait de ce projet (SNCS-Hebdo du 23 février). Il faut donc en tirer les conséquences, refuser tout dialogue avec le ministère sur ce projet de contrat et préparer l’affrontement avec le gouvernement.

Le SNCS avec les autres organisations syndicales ont boycotté le Comité Technique du CNRS qui devait statuer sur ce contrat le 25 février. Mais s’agissait-il de rompre le dialogue avec le gouvernement, d’un appel à combattre ce contrat ?  En réalité, leur déclaration, restée on ne peut plus confidentielle, n’exige pas le retrait de ce contrat et, tout aussi discrètement qu’elles ont boycotté la séance du 25 février, elles s’apprêtent à participer à la « séance de rattrapage » du 10 mars. L’opposition affichée n’est en réalité qu’une opposition de façade, elle se réduit à jouer le rôle des opposants de sa majesté.

A l’inverse, ce dont ont besoin les personnels c’est que leurs syndicats jouent leur rôle de défense de leurs intérêts face à l’entreprise de destruction systématique qu’a entrepris le gouvernement. Le seuls moyens d‘en finir avec l’étranglement financier, d’obtenir des postes de titulaires à hauteur des besoins, des budgets récurrents pour le fonctionnement des laboratoires, d’en finir avec la précarité c’est de rompre avec le gouvernement, rompre avec le dialogue social et non pas de l’aider dans son œuvre destructrice. C’est le sens de la motion Front Unique :

 

Pour le maintien du CNRS comme organisme national de recherche publique,

Pour la défense de la recherche publique et des statuts des personnels,

Retrait pur et simple du contrat d’objectifs

Le projet de contrat d’objectifs, entre l’Etat et le CNRS, pour 2014-2018 doit être soumis pour approbation au conseil d’administration du CNRS le 26 mars 2015.  Ce contrat a pour objectif :

-          La dissolution du CNRS dans une politique de site à travers les ComUEs ;

-          La transformation du CNRS en agence  de moyens avec comme mission principale « le transfert vers le milieu économique » au détriment d’une véritable activité de recherche.

-          La mise au pas des chercheurs et des personnels IT avec la mise en place de « contrat d’objectifs-ressources » basés sur 24 « objectifs mesurables », « pilotés » par les  délégations régionales et les directions des laboratoires et dont dépendront tous les moyens y compris les promotions, les recrutements, les primes … .

Ce contrat d’objectifs implique la mutualisation avec des redéploiements de personnels, la mobilité - thématique et géographique- forcées, la fermeture de laboratoires, il fait des emplois précaires une « variable d’ajustement » pour gérer la misère financière de l’ESR.

Il instaure une compétition féroce à tous les niveaux: seuls 1 ComUEs sur 3 (celles avec Idex) pourront continuer à avoir une politique de recherche, ciblée sur des thèmes prioritaires et … lucratifs, des taux de réussite à l‘ANR sont d’à peine 10%, idem pour les contrats européens (qui transforment les chercheurs en manager), ceux des concours de recrutement aux CNRS ou à l’université sont de plus en plus faibles. Tout cela mène à l’individualisation non seulement des moyens mais aussi des salaires. Ainsi la réussite aux appels à projet européens tout comme l’implication dans « le transfert », seront gratifiés via des dispositifs de reconnaissance en termes de carrière, d’intéressement personnel, de fléchage de postes, d’attributions de bourses doctorales, etc. 

Ce contrat est une véritable entreprise de liquidation du CNRS comme organisme de recherche national et public, il remet en cause toute liberté de recherche. Il menace directement le statut des personnels et en premier lieu celui de chercheurs à temps plein.

En conséquence, la CA du SNCS-FSU se prononce pour le retrait pur et simple de ce projet de contrat d’objectifs.

La CA du SNCS refuse d’apporter sa caution à cette entreprise de destruction du CNRS, et de ses garanties collectives.

C’est pourquoi elle décide que ses représentants ne se rendront pas à ce conseil d’administration du CNRS du 26 mars, ni à la session de rattrapage du comité technique du CNRS prévu le 10 mars, suite au boycott de la séance du 25 février. Elle mandate le BN du SNCS pour organiser avec les autres organisations syndicales cette action dans l’unité.

                                            Pour : 1, Contre : 20, Abstention : 1, Refus de vote : 1

 

… après avoir indiqué dans quel contexte se mène cette offensive

Les leçons de l’accord UE-Grèce

Pour commencer, il faut noter un fait politique majeur, particulièrement à l’échelle européenne : le 20 février un « accord » est intervenu entre l'UE et la Grèce.

Cet accord constitue une soumission totale de la Grèce aux exigences de l'UE : la dette doit être payée dans son intégralité.  Les privatisations vont continuer. Idem pour la "restructuration" de la Fonction Publique, du système de santé. Tout cela sous le contrôle étroit de la troïka (rebaptisée "les institutions"!) Quant aux "promesses" de Tsipras, elles sont reportées aux calendes grecques !

Schaüble et l'impérialisme allemand, Hollande et tous les autres gouvernements d'Europe ont envoyé un message clair, brutal aux travailleurs de tous les pays d'Europe : quoi que vous votiez, vous devrez subir le talon de fer du capital financier! Quoi que vous votiez, vous devrez subir toujours plus d'attaques, de « contre-réformes » comme celles qui saignent le peuple grec depuis 5 ans.

Mais quid du gouvernement Tsipras? Il s'est totalement soumis.

Faut-il s'en étonner? Au lendemain des élections – et en contradiction avec leurs résultats-, Tsipras faisait entrer au gouvernement les "Grecs Indépendants" qui, si l'on veut comparer, se situeraient en France entre Dupont Aignan et le FN. Parti bourgeois clérical, militariste qui a d'emblée exigé qu'il ne soit pas touché aux énormes privilèges de l'Eglise ni au budget militaire (le plus gros d'Europe rapporté au PIB) ; parti violemment anti immigrés aussi. Son chef a organisé la privatisation d'une bonne partie du port du Pirée.

Comment serait-il possible de défendre les intérêts des travailleurs en nouant alliance au niveau gouvernemental avec les pires ennemis de ceux-ci?

Evidemment les travailleurs grecs n'ont pas dit leur dernier mot. La  large opposition, dans Syriza même, à l'accord  avec l'UE en témoigne.

Mais les dernières semaines le montrent. Il n'y a pas de voix médiane : ou bien la soumission totale aux exigences du capital, ou bien la rupture avec le capitalisme dont le premier acte est le refus pur et simple de payer la dette qui n'est pas celle des travailleurs.

France : l’adoption de la loi Macron

En France le fait marquant est le passage en force par le gouvernement Hollande-Valls-Macron-Pinel pour faire adopter la loi Macron avec l’utilisation de l’article 49-ter. Présentée comme une loi fourre-tout, c’est d’abord et avant tout une attaque majeure contre le droit du travail, elle étend le travail dominical et de nuit, facilite les licenciements, privatise les aéroports, liquide ce qui reste de l’inspection du travail et les prud’hommes, permet le retour à des contrats de gré à gré entre les patrons et le travailleurs c’est-à-dire hors du code du travail etc…  . C’est une ligne de défense du prolétariat qui s’effondre et qui en annonce d’autres comme avec le nouveau projet de loi du ministre du travail Rebsamen, la loi Touraine contre l’hôpital public et qui prépare la mise sous tutelle des mutuelles et des assurances de la santé publique etc. … . La férocité du gouvernement contre les travailleurs et la jeunesse, n’a d’égale que sa soumission ouvertement affichée au capitalisme français !

Y a-t-il eu un combat sérieux, seulement même une prise de position des confédérations syndicales ouvrières contre cette loi ? Y a-t-il eu un combat sérieux, contre le coup de force du gouvernement ?

A l’évidence non !

Le 17 février, le soir du passage en force, les confédérations syndicales se sont rencontrées et ont décidé d’appeler à une journée d’actions … le 9 avril. 

Et sur quelle base ? : « Le « pacte de responsabilité », la rigueur budgétaire, la réforme territoriale, nombre de dispositions du projet de loi libérale « Macron » ainsi que plusieurs décisions des pouvoirs publics et du patronat aggravent la situation des salarié(e)s, des retraité(e)s et des chômeurs (ses). »

Il y aurait donc des dispositions favorables aux travailleurs dans le projet de loi Macron, des décisions gouvernementales qui n’aggraveraient pas leur situation ? En réalité cet appel évite tout ce qui pourrait s’apparenter à un affrontement avec le gouvernement et justifie pleinement le dialogue social qui se poursuit de plus belle sur les « seuils sociaux », sur la réforme-liquidation du statut de la fonction publique à travers les négociations PPCR ( Parcours Professionnels, carrières, Rémunérations »), etc … .




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