LETTRE DE LIAISON


des militants combattant
pour le FRONT UNIQUE
des syndicats de l'enseignement public


 

Lettre de liaison N° 229 - 17 février 2014       [Version pdf]

Le projet de décret Peillon veut porter un coup décisif à nos garanties statutaires

La direction du SNES doit cesser de le soutenir en en célébrant les "acquis".

Elle doit en exiger le retrait!

Elle doit se prononcer pour la défense inconditionnelle des décrets de 50

 

En décembre dernier, confronté à la grève massive des profs de classes prépas, Peillon avait dû surseoir à l'offensive contre nos statuts. Deux mois après, et au terme de plusieurs semaines de concertation dans le dos des enseignants, le gouvernement nous ressort le même projet!

« Le décret de 50 a vécu ; vive le décret 2014 » déclaration SGEN CFDT.

Ainsi exultent les ennemis de toujours de l'enseignement public, des chantres de toujours de toutes les attaques anti-ouvrières orchestrées par le gouvernement et du MEDEF, de la « loi flexibilité » au « pacte de responsabilité ». Chatel, l'ancien ministre de Sarkozy, ne doit pas moins exulter, lui qui rappelait il y a quelques mois que la remise en cause des décrets de 50 était au programme du candidat Sarkozy.

Sarkozy l'a rêvé ; Peillon l'a fait : le 10 février, après deux mois de silence sur la concertation, le gouvernement a sorti une nouvelle version de projet de statut, se substituant et faisant disparaître les décrets de 50. A quelques nuances parfaitement négligeables, c'est le même projet que celui contre lequel avaient pris position des dizaines d'assemblées générales d'enseignants, et contre lequel sur leur propre plan, les profs de CPGE s'étaient mis en grève massive.

 « Les enseignants participent aux actions d'éducation principalement en assurant un service d'enseignement » (texte ministériel): l'enseignement, une tâche parmi d'autres?

Nous sommes selon les décrets de 50 des enseignants dans une discipline. C'est cet enseignement qui détermine la totalité de notre travail (préparations, corrections, conseils de classe, etc.). Désormais outre la mission d'enseignement, feraient partie de nos obligations des missions diverses : travail au sein d'équipes pédagogiques, travail au sein d'équipes "pluri professionnelles"...

Ce serait le service à rallonge infini, la seule limite étant "la réglementation sur le temps de travail applicable à l'ensemble de la Fonction Publique." On voit que la disparition de la référence aux 1607 heures annualisées dont se targue la direction du SNES comme d'un "acquis" est un pur artifice puisque la réglementation applicable à l'ensemble de la Fonction Publique..., c'est justement les 1607 heures annualisées ! Quant à la référence au maximum de service de 15 et 18 heures, elle est désormais, et pour la raison indiquée ci-dessus, purement illusoire.

La liberté pédagogique n'existe plus que dans les mots. Elle est liquidée dans les faits.

Selon les décrets de 50, le professeur enseigne sa discipline en toute liberté pédagogique, avec cependant l'obligation de le faire conformément aux programmes nationaux, cette conformité étant vérifiée par les corps d'inspection. Jésuitiquement, le projet Peillon parle encore de "liberté pédagogique". Mais il rajoute que celle-ci s'exerce "dans le respect des programmes nationaux et des instructions du ministre et dans le cadre du projet d'établissement".

Tout le monde sait que dans beaucoup d'établissements, le "projet d'établissement" était une pure fiction administrative et qu'en tout état de cause il ne pouvait avoir force contraignante pour les collègues. C'est précisément cette nouvelle contrainte qui est imposée. A titre d'exemple, si le projet d'établissement contient le jumelage avec une entreprise, ou la collaboration avec telle ou telle association caritative cléricale; de gré ou de force l'enseignant devrait accepter dans sa classe le représentant du patronat, ou celui des Églises, voire devoir lui-même se transformer en chantre des uns ou des autres. Rappelons que le projet d'établissement est élaboré en Conseil d'administration avec des représentants des associations de parents d'élèves, des élus politiques, des représentants des "milieux économiques". C'est donc la mise sous tutelle des enseignants.

A l’heure où le conseil national des programmes mis en place par Peillon propose de remplacer ces mêmes programmes par des « curricula », dont l’application pratique dépendrait des volontés de chaque établissement, chacun comprendra le danger de ces projets.

Ajoutons : ce n'est pas le corps d'inspection (par définition disciplinaire) qui peut juger de la "conformité" de l'enseignement du collègue au "projet d'établissement" ; c'est le chef d'établissement. Par conséquent, c’est l'autorité pédagogique – et pas seulement administrative – du chef d'établissement qui serait réintroduite alors que les enseignants, par leur combat, avaient réussi à la repousser en 2011, en faisant reculer le gouvernement sur son projet de réforme de l'évaluation.

Des "missions complémentaires" définies par les chefs d'établissements, les conseils d'administration, les conseils pédagogiques.

Ce qui est décisif dans le projet Peillon, c'est le pouvoir donné à l'administration locale, et aux conseils d'administration et conseils pédagogiques de définir des obligations, de proposer des allègements de service,  etc.

Jusqu'à ce jour, l'unité de la profession était fondée sur l'existence d'un statut commun, et sur l'absence de relations hiérarchiques parmi les enseignants. Désormais les "conseils pédagogiques" et "conseils d'administration" composés de collègues ou comprenant des collègues acquerraient autorité sur les autres enseignants, auraient le pouvoir de distribuer tâches, indemnités et allègements de service, etc. Il s'agit d'une entreprise de caporalisation de la profession visant à briser les liens de solidarité entre collègues au profit de liens de sujétion, de copinage pour la distribution des miettes tombées de la table de la DHG. De manière complémentaire, le gouvernement a d'ailleurs décidé de la création d'un grade spécial pour les enseignants « méritants » : « Un grade à accès fonctionnel sera créé afin de permettre à des enseignants ayant exercé dans des conditions particulières d'obtenir des rémunérations plus élevées. » (communiqué de presse du ministre du 12/02/2014)

L’organisation des examens dans le cadre de l’établissement.

« Les activités de préparation et de recherche nécessaires à la réalisation des heures d’enseignement ainsi que les activités d’évaluation des élèves de leur établissement sont inhérentes à la mission d’enseignement. »

Les professeurs de langue vivante comprennent particulièrement ce que signifient les activités d’évaluation des élèves « de leur établissement ». Voilà les moyens pour l’État d’organiser le bac en contrôle continu dans les établissements, puisque cela ferait partie intégrante du service des enseignants.

La substitution des indemnités et pondérations aux heures de première chaire et autres décharges horaires : une machinerie visant à diminuer le salaire de nombreux collègues, à imposer un alourdissement du service et donc à supprimer des postes.

A l'exception de l'heure de préparation des laboratoires, toutes les autres heures de décharge disparaissent.

Cela a pour conséquence pour de nombreux collègues (enseignant en lycée en section de technicien supérieur) une baisse de salaire pour un travail équivalent.

La substitution à une heure de décharge d'une "indemnité", dont du reste le montant est inconnu, constitue clairement une détérioration pour les collègues. A titre d'exemple, un collègue certifié qui effectuait 17 heures devant élèves et qui bénéficiait d'une heure de décharge avait un service complet. Il pourra se voir désormais imposer une classe supplémentaire à raison de 2 heures par semaine. Le système de "pondération" aboutit grosso modo aux mêmes résultats. Un collègue qui effectuait 7 heures en terminale ou première et 17 heures devant élèves avait son service complet (17+1 heure de décharge = 18). Désormais il comptabiliserait 17,7 heures et devrait donc accepter une classe supplémentaire.

Le système vise donc à imposer plus d'HS aux collègues et donc permet au gouvernement de supprimer davantage de postes.

La "négociation séparée" pour les CPGE : un stratagème pour isoler ces collègues et permettre au gouvernement de liquider leurs garanties.

En décembre dernier, par leur grève puissante, les collègues de CPGE avaient non seulement contraint le gouvernement à retarder l'offensive violente contre leurs garanties, mais aussi repoussé l'offensive de celui-ci contre le statut de l'ensemble du corps enseignant. Il fallait donc isoler les profs de prépa pour les défaire. Le stratagème qui consiste à reporter les décisions les concernant à un groupe de travail particulier, dont les décisions seront prises ultérieurement, est limpide : d'abord faire avaler à l'ensemble des collègues les attaques contre le statut, pour ensuite pouvoir imposer aux profs de CPGE des attaques ciblées, en particulier contre leur salaire. Ce stratagème, il faut le dire, a été mis en œuvre avec la complicité de l'ensemble des directions syndicales.

Les "avantages" particuliers du nouveau statut : la carotte famélique qui cache le gros bâton.

Les dirigeants du SNES qui se font les promoteurs du nouveau statut ont trouvé en cherchant bien que quelques centaines de collègues allaient "y gagner" : les collègues effectuant un complément de service dans une commune limitrophe bénéficieraient d'un allégement de service d'une heure (c'était déjà le cas lorsque la commune était non limitrophe). Outre le fait que ces collègues se verront deux fois (dans deux établissements) imposer les tâches complémentaires au service d'enseignement désormais obligatoires, cette compensation pour une poignée de collègues peut-elle justifier la brutale remise en cause des garanties de tous les collègues ? Poser la question, c'est y répondre.

La prétendue « avancée » pour les profs de ZEP : une « avancée » qui a poussé des dizaines d'établissements à la grève et à la manifestation en région parisienne en particulier en Hauts de Seine

Les mêmes dirigeants ont fait grand bruit – de concert avec le ministre – autour des avantages accordés aux profs de ZEP. Les avantages sont si considérables.... qu'ils ont provoqué dans les Hauts de Seine, en Seine Saint Denis... la grève de ces mêmes collègues. Pourquoi ? D'abord parce qu'en réalité, le projet du ministre consiste à réduire brutalement le nombre d'établissements bénéficiant des maigres avantages en matière indemnitaire et du taux d'encadrement de la classification ZEP. Il y aura en tout et pour tout 9 collèges REP+ (nouvelle appellation) dans l'académie de Créteil, 8 dans l'Académie de Versailles, 1 à Paris ! Ensuite parce que dans ces établissements, la pondération horaire à 1,1 pour 1 heure est lourdement payée par les collègues, d'obligations interminables de réunions de toute sorte. En réalité ces établissements constituent un véritable laboratoire de mise en œuvre de la liquidation du statut, jusqu'à la nomination des collègues par le chef d’établissement.

L'offensive contre les décrets de 50 est inséparable de l'offensive pour la liquidation du statut de la Fonction Publique comprise dans le "pacte de responsabilité" Hollande Gattaz.

Au moment où Peillon fait connaître son projet de réforme-destruction du statut, le "Conseil stratégique de la dépense publique" prépare la plus violente offensive contre le statut de la Fonction Publique. La liquidation de la progression de carrière à l'ancienneté, du régime indemnitaire des fonctionnaires, a été annoncée par Peillon, démentie par Peillon, confirmée par Le Roux (président du groupe PS à l'Assemblée), redémentie par Ayrault. Ce qu'il faut traduire de manière simple : c’est pour après les municipales !

Au point que les dirigeants de toutes les fédérations de fonctionnaires qui depuis des mois au ministère discutent de la remise en cause du statut de la Fonction Publique ont du se fendre d'une déclaration disant qu'ils allaient cesser de siéger jusqu'à ce qu'Ayrault démentît.

Dans son « démenti », Ayrault précise : « J'ai bien noté que les organisations syndicales représentatives des fonctionnaires étaient prêtes à mener une discussion sur l'avenir de notre fonction publique dans le contexte de rétablissement de nos comptes publics. (…) Nous pouvons y parvenir par des économies et des réorganisations. »

Tout le monde le sait : pour faire 30 milliards de cadeaux aux entreprises dans le "pacte de responsabilité", le gouvernement a décidé de couper dans le budget des services publics (donc aussi dans celui de l'enseignement public) à hauteur de 50 milliards. L'offensive contre notre statut est inséparable de ce contexte.

 

 

Une seule conclusion : à bas le projet de réforme destruction de notre statut! Défense inconditionnelle des décrets de 50!

On ne fera pas prendre aux collègues des vessies pour des lanternes. Il s'agit d'une attaque décisive contre un statut que les gouvernements n'ont cessé depuis des décennies de vouloir détruire.

Il s'agit donc de réaliser l'unité des organisations syndicales sur l'objectif :

 

Bas les pattes devant notre statut !

Retrait du projet de réforme destruction de Peillon !

Défense inconditionnelle des décrets de 50 !

 

Nous devons imposer aux dirigeants syndicaux, en premier lieu à ceux du SNES : cessez de soutenir le projet Peillon ! Prononcez-vous pour son retrait ! Prononcez-vous pour la défense inconditionnelle des décrets de 50 ! Rompez la concertation et refusez de "corédiger" la mise à mort de nos garanties statutaires !

Pour faire reculer le gouvernement, la prise de position des directions syndicales est décisive. Et parmi elles, celle de la direction du SNES, syndicat largement majoritaire de la profession, est cruciale.

Mais les collègues qui ont pris connaissance du commentaire des propositions du ministre par la direction du SNES ont pu faire ce constat : à quatorze reprises (pas une de moins) la direction du SNES ponctue le projet du ministre de la formule : "acquis du SNES-FSU" ! Ce n'est pas une approbation du ministre, c'est un dithyrambe ! Ainsi se manifeste la soumission complète de la direction du SNES au gouvernement Hollande-Ayrault-Duflot-Pinel et à son ministre Peillon.

Mais le SNES comme du reste les autres syndicats appartiennent aux collègues, aux syndiqués d'abord mais plus généralement à tous ceux qui leur donnent les moyens d'exister, par exemple par leur vote aux élections professionnelles. Nous sommes en droit d'exiger que la prise de position du syndicat soit déterminée non pas par la soumission au gouvernement mais par les intérêts de la profession.

En novembre-décembre des dizaines de prises de positions d'établissements, des centaines d'interpellations de collègues écrivant au syndicat ont exigé : Défendez notre statut ! Rejetez le projet du ministre ! Cessez d'en discuter ! La grève des PCPGE a contraint le gouvernement à surseoir, manifestant que celui-ci n'est fort que de l'acceptation par les dirigeants syndicaux du "dialogue social" pour la liquidation du statut.

Aujourd'hui la direction du SNES persiste et signe annonçant sa volonté de tenir la plume avec le ministre : "Dans les discussions à venir, chaque étape de rédaction, et de réécriture des décrets de 50 imposera la plus grande vigilance...." Autrement dit, nous participerons à la rédaction !

 

Rien n'est joué ! Partout réunissons-nous en heures d'information syndicale ! Les syndicats au service des enseignants ! Les permanents à notre service ! Unité pour le retrait du projet Peillon !

Ce que démontrent les événements de décembre, la nécessité dans laquelle s'est trouvé le gouvernement de repousser l'offensive (rappelons que la "réforme" devait primitivement s'appliquer à la rentrée 2014), c'est que le corps enseignant a les moyens de faire reculer le gouvernement en brisant la collaboration des dirigeants syndicaux, en premier lieu celle des dirigeants du SNES.

Il est nécessaire pour cela et par tous les moyens (pétition en direction des responsables syndicaux, prises de position d'assemblées générales ou de sections syndicales, délégations) de faire valoir notre point de vue.

 

Retrait du projet Peillon de réforme-liquidation de notre statut !




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