LETTRE DE LIAISON


des militants combattant
pour le FRONT UNIQUE
des syndicats de l'enseignement public


Lettre de liaison N°159 - 25 novembre 2009

44ème congres du SNCS: Quel sont les enjeux?


Ce congrès, se tient peu de temps avant deux autres congrès très importants, celui de la FSU et celui de la CGT. Dans quel contexte?

Les effets de la crise du capitalisme qui s'approfondit pèsent lourdement sur les épaules des seuls travailleurs. Toute la politique du gouvernement Sarkozy-Fillon vise à leur faire payer cette crise. Il s'en prend à tous les acquis sociaux. Dans le même temps, plans de sauvetage des banques, plan de relance, exonérations fiscales (cf. le crédit impôt-recherche), les cadeaux aux banquiers, aux patrons, aux spéculateurs creusent le déficit de l'Etat. Aux travailleurs, la facture. Significativement, le seul poste de dépense de l'Etat qui a diminué en 2009 c'est celui des dépenses de personnel (-0,4%). Et avec la loi de finance 2010 qui vient d'être adoptée cela ne va faire qu'empirer.

Le CNRS, l'INSERM, les universités … n'échappent pas au feu roulant de cette politique ultra-réactionnaire.

Le rapport Rocard-Juppé sur le " grand emprunt ": un coup d'accélérateur vers la privatisation des universités avec l'intégration des laboratoires et des organismes publics de recherche.

Il en est ainsi du " grand emprunt " que l'Etat, sur les conseils de la commission présidée par Juppé et Rocard devrait contracter sur les marchés financiers. Dès le départ le cadre est donné: sous la rubrique " une gouvernance exemplaire " le rapport Rocard-Juppé, qui préconise l'embauche d'une multitude de CDD sous diverses formes, fait une recommandation express: " le non-financement de salaires de fonctionnaires, afin d'éviter d'utiliser l'emprunt pour procéder à des recrutements publics "!

Dix milliards devraient être gérés par une " Agence campus d'excellence " pour abonder le capital des fondations de 5 ou 6 PRES, sélectionnés sur appel d'offre, et laisser périr les autres ; de plus, seuls les intérêts générés par ces investissements pourront être dépensés comme crédit! Cet emprunt va donc servir de puissant levier pour accélérer la marche à la privatisation des universités. Ces pôles, fondations de droit privé instituées par la LRU, dans lesquels vont devoir se fondre localement les universités et les laboratoires des organismes publiques de recherche, devront donc se comporter comme des institutions privées, s'engager dans des opérations immobilières, dans des activités lucratives et spéculatives, dans un " partenariat public-privé " à grande échelle. Dans la bouche des grands patrons et du gouvernement, qui ont télécommandé ce rapport, " partenariat " signifie bien évidemment faire main basse sur la recherche et l'enseignement supérieur. Ainsi le trust Sanofi-Aventis, qui se prépare à signer un contrat de " collaboration " avec l'INSERM, a décidé la suppression de 1200 postes dans ses laboratoires de R&D.

Sept autres milliards de cet emprunt devraient être gérés par l'ANR dans le même esprit.

C'est donc une attaque frontale qui se dessine avec cet emprunt contre l'enseignement supérieur et la recherche.

Et pour ce faire, Sarkozy utilise l'arme du " dialogue social " puisque c'est à Rocard, membre éminent du parti socialiste, qu'il a demandé de se mettre en première ligne de cette offensive contre les personnels et la jeunesse estudiantine. Thibault secrétaire national de la CGT s'était rendu à l'Elysée pour discuter de cet emprunt le 1er juillet, la veille du vote de la " loi sur la mobilité ", loi qui, combinée avec la RGPP (fait de restructurations et de casse des métiers et des garanties collectives), prépare un cocktail mortel comme à France Telecom. Mailly y est allé aussi de ses propositions sur l'usage à faire de ce grand emprunt, en proposant qu'il abonde le fond de réserve des retraites, se situant donc dans le cadre de la mise en œuvre de la politique du gouvernement Sarkozy-Fillon.

Le rapport stratégique de l'INSERM:

Une nouvelle attaque contre le CNRS et l'INSERM et tous leurs personnels


Pour aboutir à l'intégration des personnels des organismes publics de recherche dans les universités privatisées, le gouvernement doit faire disparaître le CNRS, l'INSERM, tous les EPST, fusionner les corps des chercheurs et des enseignants-chercheurs pour mieux casser les statuts de tous.

C'est le cadre dans lequel s'inscrit le rapport stratégique de l'INSERM qui vient d'être publié. L'objectif affiché: la création d'un institut unique regroupant l'ensemble des composantes de l'Alliance des sciences de la vie et de la santé, dont l'INSERM et l'institut de biologie du CNRS (INSB). Au programme: un guichet commun de recrutement des chercheurs pour l'INSERM et l'INSB, renforcement de la politique de primes, restructurations sous la houlette de l'industrie pharmaceutique pour qui la santé est un marché d'où elle tire ses profits et rien d'autre. Les domaines qui ne promettent pas de profits sont voués à disparaitre.

Comment faire barrage a ce nouveau déluge d'attaque?

Les leçons de la défaite du puissant mouvement dans les universités et dans la recherche


Rien n'est fatal dans ces attaques.

Mais pour répondre à la question: Comment leur faire barrage? Il est nécessaire de revenir sur ce qui s'est passé cette année. En Janvier, et en Mars un million puis un million et demi de travailleurs ont répondu à l'appel des organisations syndicales. Ils ont ainsi manifesté leur disponibilité à combattre le gouvernement Sarkozy, le MEDEF, les plans de licenciements et l'ensemble des contre réformes. Mais l'accord intersyndical du 5 Janvier s'est fait sur la base suivante: pas question de combattre ce gouvernement, d'exiger l'arrêt de ses " réformes " ; pas question de reprendre les revendications ouvrières! Pas question d'exiger l'arrêt des licenciements. Mais au contraire les directions syndicales n'ont cessé de revendiquer d'être associées à l'élaboration de ces " réformes ", d'être associées aux plans de licenciement et restructurations. Et de journée d'action en journée d'action le potentiel de combat des travailleurs a été dilapidé.

Il faut tirer la même leçon quant à ce qui s'est passé dans notre secteur.

Malgré sa puissance, le mouvement dans les universités et la recherche a été défait et les directions syndicales en portent l'entière responsabilité. Celle de la FSU qui est écrasante. En refusant de reprendre à son compte les revendications des personnels et, en premier lieu, le retrait de la réforme de formation des enseignants, elle a dressé un barrage pour empêcher la jonction des enseignants-chercheurs avec tout le corps enseignant et les étudiants qui étaient directement visés par cette " réforme ". Leur participation massive aux manifestations de janvier et de mars montrait qu'ils y étaient prêts. Une telle jonction aurait permis de vaincre le gouvernement!

De la promulgation des décrets contre le statut des Enseignants-Chercheurs …

La responsabilité de la direction du SNCS est toute particulière: après avoir refusé le combat avec les enseignants-chercheurs contre le décret modulant leur service, elle a manœuvré pour se mettre sur le terrain des négociations avec le gouvernement et empêcher le combat frontal contre lui pour le retrait du contrat d'objectif.

Ainsi, pendant des mois, elle a cherché à diviser chercheurs et enseignants-chercheurs pour empêcher leur jonction sur les mêmes exigences. Le 9 février, elle lançait avec le SNTRS-CGT, un appel pour une coordination des laboratoires … pour la mi-mars. Le texte intersyndical d'appel à cette coordination " omet " l'exigence du retrait du projet de décret du statut des enseignants-chercheurs et celle du retrait du projet de réforme de la formation et le recrutement des enseignants. Mais, le 12 mars à la coordination, les délégués feront réapparaître ces deux exigences dans la résolution finale.

Après des mois de manœuvres pour disloquer le mouvement, le faisant exploser à travers une multitude de coordinations (il y en avait 7 fin mars!), à la 2e CNLL, le 7 avril, les directions syndicales (SNCS, SNTRS-CGT et SUD!) portent l'estocade. Ils imposent d'enlever tout préalable à des négociations avec le gouvernement et en premier lieu l'exigence du retrait du décret sur le statut des EC!

Les 8 et 9 avril, ils participaient au CTP du MESR et au CS de la FPE qui ont adopté les projets de décret sur le statut des EC et sur les allocations de recherche, couvrant le SNESUP qui réintégrait officiellement la table des négociations.

Le gouvernement avait été paralysé tant que, par leur mobilisation, les enseignants-chercheurs étaient parvenu à contraindre la direction du SNESUP à rompre la concertation sur la remise en cause de leur statut et refuser d'aller " réécrire " le décret de Pécresse. Mais dès que les négociations ont repris, le gouvernement pouvait repartir à l'offensive. Tout est ensuite allé très vite, le 23 avril, les décrets étaient publiés.

… à l'adoption du Contrat d'Objectif du CNRS …

Les conséquences de cette défaite des enseignants-chercheurs sur nous ont été directes.

Dès le 12 mai, un rapport d'étape de la RGPP fixait les prochains objectifs: " Le nouveau contrat et la réforme statutaire du CNRS seront effectifs avant la fin de l'année 2009". Il annonçait des mesures pour " dynamiser la gestion des personnels chercheurs "!

Mais pour cela il fallait renouer les négociations avec les directions syndicales dans la recherche qui avaient été officiellement rompues depuis mars sous la pression de la mobilisation.

Cette rupture s'était traduite par le boycott du CA du CNRS du 26 mars, ce qui avait contraint la direction du CNRS à surseoir au vote du contrat d'objectif et de moyens (COM).

Mais pour faire passer ses plans destructeurs, Pécresse n'a pas d'autre choix que de passer par " le dialogue social ". J.L Mazet ne dit pas autre chose quand il a expliqué à la CA du SNCS du 27 avril:

"Depuis mi-mars, les négociations sont rompues avec le ministère".

"Toutes les semaines, le BN reçoit une demande de venir au ministère pour pouvoir discuter, or à chacune de ces demandes, on répond qu'on voudrait au moins un geste"

Pécresse fait donc quelques promesses et manœuvre. Le 20 mai est publié une version tronquée du COM sans la partie " Moyens " qui annonçait notamment le système de primes (§2.3 p 38 - version du 16/02).

Le 25 mai, les élus syndicaux au CA publiaient une déclaration, intitulée " un contrat d'objectif sans moyens ":

" dans la dernière version (20 mai 2009) de ce contrat, les moyens ont définitivement disparu, ils sont renvoyés au débat de la loi de finances à l'automne. C'est inacceptable! "

Ils ajoutaient: " On ne peut pas envisager que l'organisme s'engage sur 5 ans sur des critères de performance que le gouvernement lui impose sans aucun engagement de l'Etat. "

Quels sont " ces critères de performance " sur lequel l'organisme doit s'engager si ce n'est le contrat d'objectif? Comment soutenir plus clairement la politique gouvernementale contre le CNRS et les personnels? Comment donner plus clairement le feu vert aux primes, et aux suppressions de postes que cette partie " moyens " programmait aussi?

Le 25 juin, les dirigeants syndicaux ont appelé à manifester à Paris … alors qu'ils allaient s'" exiler " en Suisse avec la direction qui a pu, sans coup férir, faire adopter son Contrat d'Objectif par le CA du CNRS.

… et au décret instaurant les " Primes d'Excellence Scientifiques "

Dès le 8 juillet, le gouvernement sortait le décret instaurant les " primes d'excellence Scientifiques ".

Au delà du caractère scandaleux de ces primes, avec des sommes exorbitantes pour une toute petite minorité, l'essentiel de ce système est destiné à " dynamiser la gestion des chercheurs " comme le dit le texte de la RGPP. En posant comme condition principale l'engagement dans l'enseignement pour 1/3 de service pendant 4 ans, c'est un pas vers la fusion avec le corps des enseignants-chercheurs, une attaque frontale contre notre statut. Avec l'objectif de 20% de 12000 chercheurs CNRS, c'est l'équivalent de 800 postes d'EC qui pourront servir la politique de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partants à la retraite.

Primes, décret organique du CNRS, mobilité …: à la rentée la concertation reprend de plus belle

Sur le site du CNRS qui affiche le dispositif des PES, la direction se vante qu'il se fait " en concertation avec les syndicats "! En effet, après la trêve estivale, les concertations avec les directions syndicales reprennent de plus belle. Au menu: outre les primes, la préparation des décrets sur les statuts du CNRS, la mobilité … .

A chaque rencontre, la direction du CNRS introduit la discussion par des documents tels que celui publié sur les promotions chercheurs. Mais celui-ci est le seul, le plus flatteur pour la politique du gouvernement, qui a été publié. Nos représentants syndicaux se sont bien gardés de nous communiquer les autres! Un exemple: celui sur la PPRS (primes des ITA à peu près équivalentes pour tous à un 13eme mois).

L'objectif qui a été affichée est de les rendre complètement modulables (donc avec des baisses de salaires pour certains) avec une enveloppe décentralisée au niveau des directeurs d'unités et ... que celle-ci puisse être augmentée quand un chercheur de l'unité aura obtenu une PES!

Jamais le gouvernement n'avait osé aller aussi loin dans sa politique perverse de division pour dresser les personnels les uns contre les autres. Avec en plus, le projet de primes d'intéressement aux équipes sur l'argent des contrats, c'est une offensive de grande ampleur qu'il mène contre les salaires, pour leur individualisation.

Elles appellent à faire signer une pétition contre les primes. Mais quel est le moyen d'empêcher réellement quelles soient mises en place? Peut-on faire signer des pétitions "contre" et en même temps être dans toutes les concertations qui visent à leur adoption?

Le CA du CNRS du 4 novembre adopte les PES et entérine le nouveau décret du CNRS

Le 4 novembre les élus syndicaux ont participé au CA du CNRS, quelqu'aient été leur vote, le résultat est sans appel. Non seulement ce CA a adopté les PES pour le CNRS mais en plus comme l'ont expliqué les élus syndicaux dans leur communiqué à la sortie du CA: " Le CA du CNRS s'est réuni dans le contexte de la modification du décret portant organisation et fonctionnement de l'organisme ".

Ce décret grave dans le marbre de la loi l'explosion du CNRS en instituts/agences de moyen, dépouillés de toute programmation et évaluation scientifiques au profit de l'AERES et dont le destin est bien illustré par le projet de schéma stratégique de l'INSERM.

Sans ce décret le contrat d'objectif, adopté par le CA du 25 juin, était comme un couteau sans lame.

Alors, dans un tel contexte, n'est-il pas clair que cette participation vaut pour caution?

Le " dialogue social ", l'arme du gouvernement pour porter ses attaques

Le dialogue social est l'arme du gouvernement dans la guerre qu'il a engagé contre nous et nos acquis.

La force du mouvement des enseignants-chercheurs a contraint la direction du SNESUP à rompre quelques semaines la concertation sur la remise en cause du statut des enseignants-chercheurs et refuser d'aller " réécrire " ce décret. Privée de " partenaire " syndical, Pécresse a dû temporiser. Les décrets sont passés dès que les concertations ont recommencé.

Au CNRS, par deux fois le gouvernement a dû reporter ses plans à cause du boycott du CA par les élus syndicaux: pour l'adoption de schéma stratégique le 19 juin 2008, pour celle du contrat d'objectif le 26 mars.

Et dans ces deux cas, il a réussi à les faire passer lorsque les représentants syndicaux ont accepté de siéger au CA: le 1 juillet 2008 pour le schéma stratégique du CNRS et le 29 juin 2009 pour le COM.

Pour le décret attaquant le statut des EC, comme pour le Contrat d'Objectif et les primes au CNRS, les faits l'ont démontré: le gouvernement a été paralysé lorsque la mobilisation des personnels a contraint les directions syndicales à refuser le jeu de la concertation avec lui.

Quelle est la responsabilité de notre congrès?

Le CA du 3 décembre aura à se prononcer sur le schéma stratégique de l'INSERM:

La ligne que doit adopter notre syndicat ne coule-t-elle pas de source?:

- Se prononcer clairement et exiger le retrait de ce projet de schéma stratégique
- Décider du boycott par ses élus de ce CA
- Prendre contact avec les autres syndicats de la recherche publique pour que cette action soit menée dans l'unité syndicale.

La responsabilité de ce congrès du SNCS n'est-elle pas que notre syndicat d'exiger:

- L'arrêt de toutes les "réformes" en cours,
- Non aux primes individuelles et collectives,
- Retrait des projets de décrets en cours comme celui sur les collèges électoraux des conseils scientifique des instituts,
- Abrogation de l'article de loi du 13 novembre qui permet l'embauche de contractuels dans les EPST,
- Abrogation des décrets instaurant les PES et ceux " reformant " les statuts du CNRS.

N'est-elle pas de décider que ses représentants cessent de participer aux concertations avec le gouvernement et la direction du CNRS?

La responsabilité de ce congrès n'est-elle pas d'engager, dans l'unité avec tous les syndicats de la recherche publique et de l'enseignement supérieur, le combat contre le " grand emprunt " et le refus de sa mise en place et notamment de ne pas participer dans les conseils d'administration des universités à la réponse aux appels d'offre de cet emprunt?



N'est ce pas là, la voie pour combattre pour toutes les autres revendications: contre la précarité, pour l'abrogation de la LRU, de l'AERES, de l'ANR, pour l'abrogation de la " loi de mobilité " … .



Version .pdf (prêt à imprimer) - lettre de liaison N°159




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