Déclaration de Roland Michel au titre du courant Front Unique (2 février)

Camarades,

Pour tous les travailleurs, il y a dans l'interview de Sellière aux Echos du 20 janvier matière à réflexion. Accordant un entier satisfecit au gouvernement Chirac Raffarin, son gouvernement, il déclare : "L'analyse politique faite aujourd'hui est donc que l'opinion est prête à des réformes, qu'elle les souhaite et qu'il faut les faire parce que la plupart des pays européennes, qu'ils soient de droite ou de gauche, les ont faites". S'agissant des objectifs du MEDEF, il annonce qu'ils sont strictement identiques à ceux de Chirac Raffarin.

Chirac a annoncé clairement lors de ses voeux le programme complet de l'offensive sur les mois à venir : réforme liquidation de la Sécurité Sociale, destruction du code du travail à travers la "loi sur l'emploi", remise en cause du droit de grève dans les transports et au-delà dans la Fonction Publique. Sellière dont le gouvernement est l'exécuteur politique indique : "ce qui a été annoncé doit se mettre en place et dans de bonnes conditions : le service minimum dans les transports publics, l'allégement de la taxe professionnelle, la refonte du droit du travail, la réforme de l'assurance maladie...". Il précise ensuite que le MEDEF combat pour la liquidation de toute définition nationale du temps de travail, pour la mise en oeuvre du rapport Virville de liquidation du code du travail et du CDI, etc.

La question nous est posée : qu'est ce qui donne aujourd'hui à Sellière une telle assurance ? Qu'est ce qui lui permet de plastronner ? Sellière fournit une explication qui ramène en mai juin 2003 : "La réforme des retraites a réussi sans que les oppositions soient trop fortes."

Oui, pour le gouvernement, pour le MEDEF, la réforme des retraites a réussi. Autrement dit le gouvernement, le MEDEF ont remporté une victoire contre le prolétariat d'une toute première importance : c'est ce que savent tous nos collègues sur le milieu de travail. C'est ce qu'ils vivent avec une rage immense certes ; mais ils le savent. Et ils le savent en contradiction totale avec ce qui se dit dans les sommets des organisations syndicales et notamment de la FSU. L'éditorialiste de l'US qui rend compte du CN du 24 et 25 juin écrit : "Pour la première fois, en effet, ce gouvernement, qui détient depuis juin dernier tous les leviers du pouvoir a dû reculer sur un dossier présenté comme prioritaire... celui de la décentralisation..." On peut lire plus loin : "Personne ne peut dire aujourd'hui qu'il (le mouvement) est vaincu".

Pourquoi camoufler la réalité à savoir que le gouvernement et le MEDEF ont gagné et que c'est sur cette victoire qu'il s'appuie aujourd'hui pour frapper et frapper encore. Voudrait-on à partir de là éviter que surgisse la question qui est présente à l'esprit de tous ceux qui se sont engagés - des millions dans l'épreuve de force de mai juin dernier : pourquoi la défaite ? Parce que poser cette question, c'est y répondre. Des centaines d'Assemblées Générales se sont adressés aux directions nationales des organisations syndicales : appelez à la grève générale contre le gouvernement Chirac Raffarin et ses réformes scélérates. Et les dirigeants syndicaux : Bernard Thibault, Marc Blondel - avant la mascarade du 12 juin - Gérard Aschiéri leur ont répondu : "Nous ne le ferons pas car nous ne voulons pas renverser ce gouvernement. Ce gouvernement est légitime". A cet égard, la responsabilité de la direction de la FSU d'appeler à la grève générale de l'Education nationale était particulièrement décisive. Elle s'y est refusée. Pour la même raison, les mêmes dirigeants ont refusé d'appeler à manifester à l'Assemblée Nationale. Le jour où Sarkozy faisait matraquer des milliers de manifestants au pont de la Concorde, les directions syndicales étaient reçues par le même Sarkozy et se félicitaient - particulièrement de la FSU - des "avancées". Voilà la vérité qu'il faudrait cacher et que le courant Front Unique lui décide d'exprimer à la tribune de ce congrès.

Camarades,

Sellière ne cache pas sa satisfaction. Satisfaction devant la concertation et le dialogue social : "Le gouvernement a tendance à donner du temps à la concertation... Cela a assez bien réussi en ce qui concerne les retraites". Satisfaction devant ce qu'il appelle l' "évolution des syndicats" "au-delà du jeu des apparences, leur compréhension de la situation économique et sociale de notre pays est réelle. Tous sans exception sont conscients de la raideur de la société française, des risques de ne pas s'engager dans la réforme. L'accord sur la formation professionnelle a été signé à l'unanimité. La position commune sur la négociation collective a obtenu quatre signatures sur cinq...". Il s'agit de l'accord qui permet la généralisation des accords dérogatoires d'entreprise... Tout est là, dans le soutien des directions syndicales, via le dialogue social à cette entreprise de laminage des acquis ouvriers.

Il est impossible d'adopter une position correcte de défense des intérêts ouvriers aujourd'hui si on ne tire pas rigoureusement les leçons du passé.

Il y a quelques jours a été présenté le rapport unanime (donc avec le plein soutien des représentants CGT et FO) du Haut Conseil pour l'avenir de l'Assurance Maladie. Raffarin avait lui-même mis en place ce haut conseil et en avait établi les priorités. Fragonard se flatte d'avoir obtenu un diagnostic partagé (déremboursement massif, fiscalisation, remise en cause du droit égal pour tous les assurés sociaux). C'est sur cette base que le gouvernement qui par la bouche de Mattéi se félicite de cette unanimité propose la concertation pour l'élaboration de la loi. La direction de la FSU se félicite aussi dans le communiqué qui suit le rapport : "Elle se félicite donc que la volonté de transformer le système de santé pour le rendre plus efficace et en renforcer la qualité, soit au premier rang des préoccupations du haut conseil.".

Aujourd'hui le gouvernement propose une concertation pour la liquidation du droit de grève dans la Fonction Publique à commencer par les transports.

En décembre dernier, le gouvernement annonce : 0% d'augmentation pour 2003, 0,5% en 2004 et surtout mise en place du salaire au mérite. Les directions des fédérations de fonctionnaires décident début décembre de boycotter quelques instances de concertation. Mais début janvier décident d'y retourner. Pourquoi ? Dans l'US, on nous apprend que "le gouvernement a été obligé d'infléchir son discours". Que s'est-il passé ? Le gouvernement a t- il renoncé à l'attaque brutale contre le pouvoir d'achat ? A t-il renoncé au salaire au mérite, à la liquidation du point d'indice, à la liquidation de la grille unique de la Fonction Publique ? Absolument pas. Delevoye affirme avec cynisme : "le cœur du débat, c'est la régulation des masses budgétaires en fonction de la croissance et des possibilités des employeurs publics tout en veillant à conserver la notion de carrière et de maintien du pouvoir d'achat des agents.". Mais tout le monde comprend que conditionner le maintien du pouvoir d'achat à "la croissance et aux possibilités des employeurs publics", c'est en réalité réitérer que le pouvoir d'achat des salaires sera massivement diminué. C'est dire que le dialogue social a bien pour but de faire exploser la grille unique, d'instaurer le salaire au mérite.

Alors faut-il continuer dans la même voie que celle qui a si bien réussi au MEDEF et au gouvernement sur les retraites ? Dans l'Education Nationale, la direction de la FSU doit-elle continuer à participer aux groupes de travail sur "l'élargissement du champ d'intervention des enseignants" ou encore sur "l'aménagement du temps de travail" ? C'est à dire doit-elle mettre elle-même en place l'annualisation et la déqualification - polyvalence ? Qu'elle décide elle-même de la mise en place de l'alternance en collège expulsant des milliers de collégiens dès 14 ans pour les livrer à l'exploitation patronale ?

Doit-elle porter sur les fonds baptismaux la loi d'orientation Ferry comme elle a porté le grand débat malgré l'opposition de l'immense majorité des collègues. A l'inverse nous appelons le congrès à dire : il faut en finir avec la politique du "dialogue social" dont se félicite Sellière ! Il faut rompre avec le gouvernement ! Il faut que la FSU quitte tous les groupes de travail visant à mettre en place le salaire au mérite ! Il faut que la FSU appelle la CGT et FO à boycotter la concertation pour la réforme liquidation de l'assurance maladie ! Il faut qu'elle décide : aucune participation à la concertation pour la loi d'orientation ! Il faut que la FSU dans ce congrès se prononce : à bas la réforme destruction de la Sécurité sociale ! A bas la loi d'orientation destruction de l'Enseignement Public et des statuts ! Défense inconditionnelle des libertés démocratiques et en premier lieu du droit de grève !

Il faut en particulier que la FSU dans ce congrès exige le retrait immédiat de la circulaire d'organisation de la rentrée 2004 qui est l'application anticipée de la loi d'orientation elle-même puisqu'elle contient la fin de toute référence à un maximum d'élèves dans une classe, la liquidation des horaires nationaux au nom de l'autonomie, le saccage méthodique de certaines matières comme les disciplines artistiques, les langues anciennes et vivantes etc.

Il faut que notre congrès déclare : nous allons faire tout ce qu'il est possible pour interdire à la majorité des godillots de l'UMP de décider de chasser nos 95000 collègues TOS, administratifs, médecins scolaires de la Fonction Publique d'Etat. Cela signifie : appeler à une manifestation de tous les fonctionnaires à l'Assemblée Nationale au moment de la discussion parlementaire et évidemment avant le vote de la loi - comme l'ont demandé des congrès départementaux, proposer cette manifestation aux autres fédérations de fonctionnaires.

Oui, camarades, il est encore possible d'obtenir le retrait de cette loi scélérate. Mais cela suppose d'affronter ce gouvernement pour lui infliger une défaite. De la même manière qu'il est possible de défaire l'offensive du gouvernement qui a décidé de remplacer des centaines de chercheurs sous statut par des précaires - en application anticipée du rapport Virville sur le contrat de mission. En se mobilisant par milliers et milliers les travailleurs de la recherche ont montré qu'ils étaient prêts Mais là encore ce n'est sûrement pas en demandant au gouvernement une nouvelle concertation, des "assises pour la recherche" au nom de la compétitivité de la recherche française qu'on peut y arriver. C'est en se situant sur le terrain de classe de défense du statut et des qualifications des chercheurs : rétablissement immédiat des centaines de postes statutaires.

Il faut que notre congrès préserve la fédération comme fédération de syndicats nationaux de l'enseignement public, de la recherche, de la culture. Elle doit rejeter les propositions visant à dissoudre cette fédération et ses syndicats nationaux, syndicats nationaux constitués sur la base de la défense des corps nationaux et des garanties statutaires qui leur sont liés dans une confédération de division. Elle doit rejeter le sophisme qui voudrait nous faire croire que cela devrait se faire au nom de l' "unité" quand la première conséquence de cette décision serait d'aller concurrencer dans un certain nombre de secteurs la CGT et FO, de rajouter la division à la division. Elle doit rejeter toutes les modifications statutaires qui visent à cet objectif.

La responsabilité de notre congrès est immense. Le gouvernement s'appuie sur la victoire de Juillet dernier avec le vote de la loi Fillon. Toutefois si les travailleurs ont été défaits. ils ne sont pas écrasés. Voilà pourquoi le gouvernement a besoin d'une victoire électorale - de l'UMP et des partis bourgeois - pour déblayer totalement la voie de son offensive meurtrière. Juppé l'a déclaré : "L'enjeu de ces élections c'est le soutien à la politique du gouvernement". Dans ce but les grandes manoeuvres ont commencé : l'opération visant à l'union nationale organisée à travers la loi "anti foulard islamique" y occupe une place de choix. Précisons : il ne s'agit pas de laïcité. Sur ce plan là c'est une loi anti laïque, qui confirme les privilèges de l'Eglise Catholique jusque dans les écoles publiques. C'est une loi à travers laquelle Chirac entend prendre le rôle d'un bonaparte rassemblant autour du président et de son parti contre les "extrémismes". C'est une loi dont la FSU a la responsabilité de réclamer le retrait en réitérant au contraire les revendications de défense de la laïcité : ni croix, ni kippa, ni foulard ! Les religions hors de l'école publique ! Abrogation de toutes les mesures anti laïques !

Mais au-delà même de cette prise de position, en aucun cas la FSU ne peut être neutre quant aux élections de mars. Etre neutre, c'est contribuer à donner au gouvernement les moyens de pouvoir se saisir des résultats électoraux pour frapper plus encore. Nous n'avons pas la mémoire courte : nous savons que la neutralité au premier tour des présidentielles s'est transformée de la part des mêmes dirigeants à l'appel ouvert ou mal camouflé au vote Chirac au second tour. Nous savons bien et mesurons tous les jours ce que Chirac fait de ce vote aujourd'hui. Alors, oui, la responsabilité de la FSU est d'appeler clairement à battre l'UMP et tous les partis bourgeois, d'appeler les travailleurs à voter classe contre classe, exclusivement pour le(s) candidat(s) ouvriers de leur choix au premier tour (PS, PCF, LCR, LO, PT) et d'appeler au Front Unique au second tour, c'est à dire à ce que ne reste(nt) en lice que le(s) candidat(s) ouvriers les mieux placés. Bien évidemment, en aucun cas un tel appel à voter ne signifie le soutien à leur programme, à leur politique présente ou passée. Mais la division, le non-désistement, c'est favoriser la victoire de l'UMP. Et la victoire de l'UMP et des partis bourgeois, c'est la voie ouverte au rouleau compresseur pour écraser les acquis ouvriers conformément au programme du gouvernement et du MEDEF. A l'inverse une défaite de ces mêmes partis, ce sont de nouvelles conditions pour prendre l'offensive contre le gouvernement, pour le défaire, pour le chasser et le remplacer par un gouvernement des partis ouvriers dont les travailleurs exigeront satisfaction de leurs revendications.

Voilà camarades, la responsabilité de la FSU en ce congrès.